En situation de crise, les grands changements sont souvent nécessaires. (Le Devoir 20 août 2025)
La victoire du Parti québécois du 11 août dernier dans Arthabasca est impressionnante par son ampleur. Elle pousse les intention de vote pour le parti québécois vers le haut. Elle sera porteuse d’avenir dans la mesure où on y donnera suite.

Actuellement, devant l’offensive économique américaine, la plupart des observateurs et des commentateurs politiques demandent à répétition au Parti québécois s’il compte vraiment tenir un référendum sur l’indépendance une fois qu’il sera au gouvernement. Le chef du parti réaffirme régulièrement la position fondamentale de son parti.
Cette constance est rassurante, car elle contraste avec les périodes où le parti, à l’exception de René Lévesqueen 1975 et de Jacques Parizeau en 1994, reconnaissait lui-même que l’idée d’indépendance était nuisible à son élection en l’excluant des débats électoraux.
Il faut en effet résister à cette peur du changement. Particulièrement en période de difficulté économique, où des changements profonds sont les plus réalistes. En invitant le Parti québécois à mettre son option en veilleuse, on laisse entendre encore une fois que l’indépendance pourrait nuire à son élection. On retrouve ici la vieille idée fallacieuse que le Québec serait mieux protégé de l’offensive Trump par un Canada de 40 millions d’habitants, que le Québec serait trop petit pour se défendre, alors que même les opposants à l’indépendance reconnaissent sa viabilité comme pays.
Reculs du Canada
En matière de négociation d’accords commerciaux avec les États-Unis, le Québec peut-il être vraiment défendu par des représentants à Ottawa qui devront choisir entre les intérêts divergents des provinces lorsque se poseront les choix difficiles ? Défendront-ils mieux les intérêts du Québec ou ceux de l’Ontario ou de l’Ouest canadien ? Le Canada pétrolier ou le Québec et son électricité ? La gestion de l’offre ou le modèle agricole industriel ? L’industrie automobile ou l’aéronautique ?
Devant les multiples reculs du gouvernement Carney sur le contrôle de la frontière, l’économie numérique et l’armement américain, il devrait être maintenant clair que le Canada n’est pas une protection pour le Québec, mais un vase communicant pour les politiques de Trump, ces politiques qu’Ottawa nous impose et dont le Québec ne veut pas : plus de police, plus d’armement, plus de pétrole, moins de justice sociale et fiscale, moins de lutte pour le climat.
Les reculs d’Ottawa coûtent déjà très cher au Québec. L’imposition de droits de douane américains de 25 % sur l’ensemble des produits canadiens équivaut à une diminution de 2,6 % du PIB pour une perte de 78 milliards de dollars par année ; à 35 % actuellement, ce sera plus de 100 milliards. L’abolition de la taxe canadienne sur les services numériques (TSN) prive l’État canadien de recettes fiscales de
7,2 milliards de dollars d’ici à 2028. L’augmentation des dépenses militaires à 2 % du PIB nous coûtera 20 milliards de plus cette année, et celle à 5 % du PIB fera augmenter les dépenses à au moins
150 milliards annuellement d’ici 2035.
Actuellement, Ottawa endette le Québec sans aucunement consulter les Québécois sur les décisions qu’il prend. Le déficit canadien de l’année en cours, prévu à 48 milliards sous le gouvernement Trudeau, pourrait possiblement doubler dans l’énoncé budgétaire que le ministre des Finances présentera cet automne à Ottawa. Ce sera pire les années suivantes.
Pour faire face au déficit galopant de l’État canadien, le gouvernement Carney aura le choix entre augmenter l’impôt des particuliers ou faire des coupes draconiennes dans les transferts aux provinces, une mesure moins coûteuse politiquement pour lui laissant aux provinces l’odieux d’appliquer les coupes de services qui en résulteront. Ce sont les programmes en santé, en éducation et dans les services sociaux qui en souffriront.
Notre double dépendance actuelle comme province au sein d’un Canada lui-même soumis aux États- Unis crée une position intenable pour le gouvernement du Québec, quel que soit le parti au pouvoir. Cette réalité nous invite à remettre en cause la situation du Québec au sein du Canada dès l’élection 2026, seule façon d’entreprendre de nous gouverner en fonction de notre structure économique, de nos orientations sociales et de notre spécificité culturelle.
Un Québec doté de tous les moyens d’un pays pourra mieux faire face à toutes les situations qu’un Canada divisé, malgré la solidarité de façade, passif devant l’envahissement des géants numériques, multipliant les investissements publics dans le militaire et les pipelines pétroliers ou gaziers aux dépens de la protection sociale et du climat. Nous devons refuser cet avenir pour le Québec. La prochaine élection de 2026 doit être un moment décisif sur la route qui fera du Québec un pays.