dimanche 14 juin 2020

Non au racisme et à la dérive systémique.

Le débat sur la discrimination et le racisme fait rage au Québec, coloré par la politique politicienne, masquant souvent le véritable enjeu: celui de l'égalité et de la solidarité entre tous les Québécois.

J'appuie sans réserve la lutte contre le racisme au Québec, un fléau dans toutes les sociétés, dont certaines manifestations existent au Québec comme ailleurs, du fait de personnes incapables de surmonter leur crainte des différences. Peut-on demander à notre gouvernement de mettre en œuvre les programmes d’éducation, et aussi les réformes nécessaires des structures, des lois et des règlements visant à contrer la discrimination et à soutenir l’égalité de tous les citoyens et de toutes les citoyennes du Québec ?
Mais on n'y arrivera pas en brandissant un terme aussi trompeur et divisif que celui de « racisme systémique ». La discrimination existe mais un tel système de racisme organisé n’existe pas au Québec. L’emploi du terme « racisme systémique » constitue même une insulte au peuple Québécois qu’on accuse ainsi d’entretenir un système organisé visant l’exclusion et la persécution des personnes en fonction de leur race. 
Avant de parler de « racisme systémique », il faut revernir au sens du mot « système », lequel dérive du grec "systema" qui signifie "ensemble organisé". J’ai eu l’occasion dans mes travaux scientifiques d’étudier la Science des systèmes, en particulier les travaux fondateurs d’Herbert Simon et de Jean-louis Lemoigne. Pour Joël de Rosnay (1975), "un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d'un but" (p.93). Mélèze (1972) propose la définition suivante: "un système finalisé est un ensemble organisé de moyens, méthodes, règles et procédures qui permet d'obtenir des réponses satisfaisantes de l'environnement". Pour Checkland (1981), un système "se caractérise en termes de structure hiérarchique, de propriétés émergentes et de réseaux de communication et de contrôle." 
L’existence d’un système favorisant le racisme implique donc une structure observable et des processus organisés en fonction de finalités bien définies. Un racisme systémique impliquerait l’existence d’une organisation structurée, de règles ou même de lois, de processus ou de directives (dans les corps policiers par exemple), incitant des personnes en vue d’une finalité du système : l’exclusion et la persécution de groupes et de personnes en fonction de leur race. 
Rien de tout cela n’existe au Québec et personne n’en a apporté même un début de preuve. Mais cette définition correspond parfaitement bien au système d’extermination des juifs dans l’Allemagne nazie, au système d’apartheid contre les autochtones en Afrique du Sud, ou au système organisé d’esclavage et de persécution des noirs aux Etats-Unis. 
Quand cela a existé au Canada et au Québec, ce sont les francophones et les autochtones qui en ont fait surtout les frais. On parle ici de l’exclusion des francophones des affaires publiques au temps des patriotes, leur répression et celle des métis au Manitoba, la déportation des acadiens, l’élimination systématique des écoles francophones dans la plupart des provinces canadiennes. À l’égard des peuples autochtones, on parle de l’inique loi des indiens, toujours en vigueur, que le Canada n’arrive pas à répudier et à mettre aux poubelles de l’histoire.
Aujourd’hui, accuser le Québec de pratiquer un « racisme systémique » est une insulte à l’intelligence qui le place en bien mauvaise compagnie. Cela ne peut avoir qu’un effet : réprimer les aspirations du Québec quant à son identité nationale et à la liberté à laquelle il a droit. Il faut le redire haut et fort, cette liberté ne peut conduire à la répression de minorités ethnoculturelles, bien au contraire. Il faudra bientôt nous donner les responsabilités et les moyens travailler à éliminer toutes les formes de discriminations dans le Québec, maintenant, et encore mieux dans l’avenir d’un Québec indépendant axé sur l’égalité de tous et detoutes.
Checkland, Peter (1981) Systems Thinking, Sytems Practice: Includes a 30-Year Retrospective, Wiley.
Le Moigne, J.L. (1974). Les systèmes de décision dans les organisations, Paris: Presses universitaires de France.
Mélèze, J. (1972). L'analyse modulaire des systèmes de gestion, A.M.S., Puteaux, France: Editions hommes et techniques
Rosnay, J. de. (1975). Le macroscope: vers une vision globale, Paris: Seuil
Simon, H.A. (1974). La science des systèmes, science de l'artificiel, Paris: Epi.

samedi 16 mai 2020

Il y a 40 ans, le Référendum.

(Extrait de ma chronique dans le Magazine Oui Je le veux)

Il y a 40 ans, le 20 mai 1980 je participais comme député au  premier référendum sur la souveraineté-association,  dans un contexte piégé.  Malgré l’excellent gouvernement provincial qu’avait été le Parti Québécois au début de son mandat, malgré toutes les atténuations de son option, « pour ne pas effrayer la population » , malgré la crédibilité de son chef et de ses porte-paroles, l’option n’avait pas progressé d’un iota par rapport au vote de 1976. 
     Satisfait du « bon gouvernement », les gens se réservaient le droit de voter non au référendum. Par ailleurs, les arguments sur le pourquoi de l’indépendance ne leur avaient jamais été présentés, le Parti québécois étant presqu’entièrement préoccupé à gouverner la province. Comme nous le verrons, la campagne référendaire n’allait pas permettre non plus de le faire.
   On allait choisir plutôt « d’atténuer les contours de la souveraineté ». Le chef du parti et ceux qui l’avaient suivi en quittant le Parti libéral étaient réfractaires au discours de libération nationale et à l’usage du mot « indépendance » jugé trop agressif.  Cela faisait dire, à la veille du référendum, en 1979, à une Andrée Ferretti : « la prise du pouvoir par le Parti québécois a, d'une certaine manière, signé l'arrêt du combat pour l'indépendance. En rayant le mot de ses discours et de son programme, et la chose de son administration, le PQ a vidé notre grand projet collectif des contenus idéologiques et politiques qui faisaient sa force réelle ».
     Déjà, à l’Assemblée Nationale, le 10 octobre 1978, René Lévesque avait mis un trait d’union entre souveraineté et association : « Il n’est pas question dans notre esprit d’obtenir d’abord la souveraineté, puis de négocier l’association par la suite. Nous ne voulons pas briser, mais bien transformer radicalement, notre union avec le reste du Canada, afin que, dorénavant, nos relations se poursuivent sur la base d’une égalité pleine et entière.»  Comme le soulignait par la suite l’éditorialiste du Devoir Lise Bissonnette : « Il devient clair que les Québécois auront à se prononcer sur un simple « mandat de négocier la souveraineté-association (…) la souveraineté elle-même sera mise en veilleuse encore une fois, au profit de la promesse d’un lien encore très substantiel avec le reste du Canada ». Cette logique viciée à la base, plaçait le Québec dans le rôle de quémandeur, sans rapport de force; une logique vouée à l’échec.
Un an et demi plus tard, au comité de préparation de la campagne référendaire auquel je participais, je me rappelle que nous avons discuté longuement du libellé de la question. Si la stratégie dite du « trait d’union entre souveraineté et association » n’était plus discutable, celle d’un deuxième référendum ne faisait pas consensus, mais pas du tout. Au Conseil des ministres, Jacques Parizeau combattait avec ardeur cette idée. Tout comme lui, j’appris avec l’ensemble des députés le libellé final de la question lors de son dépôt à l’Assemblée Nationale. Elles contenait ces deux nouvelles « étapes », le trait d'union et un référendum qui menait à une deuxième référendum, visant soi-disant à sécuriser la population, étapes qui n’avaient jamais été discutées au sein du Parti ou du caucus des députés.
     Pourquoi les Québécois ont-ils finalement refusé leur appui au référendum de 1980, alors que la proposition était, somme toute, si peu engageante ? Comme l’a souligné Pierre Bourgault, « Il se passa quelque chose d’inouï pendant la campagne référendaire (…). Les adversaires de l’indépendance disaient, pensant faire peur « Si vous votez OUI, le Québec deviendra indépendant. » Les tenants de l’indépendance disaient au contraire « Si vous votez OUI, ne vous inquiétez pas, nous ne ferons pas l’indépendance mais une nouvelle entente. Les fédéralistes parlaient d’indépendance, pendant que les indépendantistes parlaient d’association ». 
     À la fin de cette campagne tordue, Trudeau emporta l’adhésion en mettant son siège en jeu pour une changement dans le statut politique du Québec, compris à tort comme un accroissement de l’autonomie du Québec dans le Canada. Trudeau affirmait qu’un NON voulait dire un OUI et Lévesque affirmait qu’un OUI voulait dire au mieux un PEUT-ÊTRE. 

On peut expliquer la défaite référendaire par le fait que la peur engendre la peur, au mieux l’indécision. Certains se sont demandé : « que peut-il y avoir de si terrible derrière ce projet d’indépendance pour que ses principaux partisans aient peur de nous le présenter ». D’autres se sont sans doute dit que puisque qu’un OUI au référendum n’allait rien changer dans l’immédiat, alors pourquoi prendre un risque peut-être réel si on en croyait ses opposants. 
     Au final, la stratégie du référendum de 1980 fut une grave erreur dont le Parti québécois, et surtout le Québec paient encore le prix aujourd’hui. La stratégie de répondre à la campagne de peur des adversaires par des évitements, des faux-fuyants a elle-même fait rayonner la peur plutôt que de la vaincre par des réponses claires sur les avantages de l’indépendance et une volonté assumée de la réaliser.   La culture même d’un parti, la motivation et l’élan de tout un mouvement populaire avait été stoppés, rendant difficile une reprise du combat d’indépendance avec la même ferveur et la même force qu’avant. 
     Il a fallu attendre quinze ans et le retour d'un Jacques Parizeau pour qu'une nouvelle chance nous soit donnée de faire du Québec un pays.

vendredi 20 mars 2020

Pandémie - Retrouver l'essentiel.

Comme la plupart d'entre nous, en ces temps de pandémie,  je suis confiné à la maison avec tout le temps de lire, d'écrire et surtout de penser à ce qui est vraiment essentiel. Lorsque la santé est menacée, lorsque la vie est en péril, lorsque la mort peut frapper on ne sait qui, où et quand, on dirait qu'il est plus facile de retrouver les valeurs essentielles, la lutte contre les dominations et la nécessaire solidarité.

Une chose me frappe d'abord: la solidarité internationale qui se manifeste partout. C'est comme si le danger engendrait cette solidarité parce que nous avons un ennemi commun, invisible, mais que nous devons combattre ensemble. Quelle que soit la région ou le pays, quel qu'en soit le régime politique, quel que soit l'emprise du fanatisme qu'on y subit, on s'inquiète de ce qui se passe ailleurs, par exemple en Iran. La Chine d'où origine la pandémie  applique des mesures drastiques, s'en sort et aide l'Italie qui passe par le pire de la crise.  J'ai vu hier une vidéo où un italien avait installé son clavier sur le balcon, accompagné d'un saxophoniste sur un autre balcon et, ailleurs, de gens qui chantaient.

Solidarité nationale aussi, car s'il y a une chose, quand une crise frappe, on s'en remet à nous, à notre solidarité nationale, à notre État nation. Les Québécois s'en remettent à leur État national, à Québec. Les autres Canadiens , s'en remettent à leur état national, à Ottawa. Ici, au Québec on regrette de ne pouvoir contrôler nos frontières, notre économie, nos relations internationales pour prendre toutes nos responsabilités nous-mêmes, au lieu d'attendre le gouvernement des autres. Cela viendra !




samedi 1 février 2020

Le PQ peut-il être un actif pour l'indépendance ?

La course à la direction du Parti québécois démarre aujourd'hui, 1er février 2020. Pour le moment trois candidats sont en lice. Peut-être seront-il bientôt quatre ou cinq. On dit que la nature a horreur du vide. Mais allons-nous retrouver à la fin de la course un parti capable de remplir le vide. Allons-nous entendre une vision et un discours capable mobiliser, qui met de côté  les tergiversations, l'attentisme, le provincialisme qui ont caractérisé l'histoire de ce parti ces 25 dernières années.
         La vraie question à laquelle les candidats à la direction du PQ devront répondre le 19 juin prochain est la suivante:  lors de la prochaine campagne électorale de 2022, et les suivantes si nécessaire, ce parti osera-t-il demander à la population un mandat de réaliser l'indépendance du Québec?


Pour le moment, les propositions des candidats à la chefferie oscillent entre négocier un rapatriement de pouvoirs au Québec avec Ottawa selon Frédéric Bastien ou tenir un référendum dans un premier mandat gouvernemental selon Paul St-Pierre Plamondon. Ce dernier a effectué un virage de 180 degrés par rapport à sa position de 2016 qui repoussait à tort le référendum dans un deuxième mandat. Quant au député Sylvain Gaudreau, il vient de se rallier à un référendum dans un premier mandat, après avoir jugé l'engagement de PSPP "prématuré" parce qu'il faut "prendre acte également que selon les récents sondages, l'indépendance est à 25% ou 30%, au mieux". Voilà un départ pour le moins "oscillant".      Peut-on bientôt savoir sur quoi porterait ce référendum ou ces négociations avec Ottawa ?

       Ces positions ne sont pas nouvelles et elles passent totalement à côté de la question. J'ai été candidat à la direction en 2005, au moment où le PQ venait d'adopter un programme proposant un projet de pays et un référendum tôt dans un premier mandat. Nous étions 9 candidats, la plupart appuyant à fond ce programme. Une fois élu, André Boisclair mit de côté ce programme voté par les membres au profit d'une plateforme électorale faite de mesures réalisables par une province. Pendant cette campagne, il parla peu d'un éventuel référendum, encore moins des raisons d’en tenir un, de l’urgence ou de la nécessité de la souveraineté et pas du tout de ce que la souveraineté permettrait de faire, soit un projet de pays. Lorsqu’un journaliste l’interrogeait sur le référendum à venir, il préférait répondre « l’indépendance n’est pas l’objet de cette campagne. On en parlera lors du référendum » ; et il n’était pas question que ce soit « le plus tôt possible au cours du premier mandat » comme le voulait le programme du Parti. En 2007, le PQ  fit une campagne provincialiste, comme dans  les sept élections depuis 1995; et ses appuis commencèrent à dégringoler.
         On comprend l'inquiétude de la présidente du comité des jeunes du Parti québécois, Frédérique St-Jean demandant que son parti puisse  "réassumer totalement son option indépendantiste même si cela le mène vers une défaite encore plus importante que celle d'octobre 2018".  La vraie question concerne un changement profond d'orientation quant à  la réalisation de l'indépendance qu'on ne voit pas poindre à l'horizon. Le Parti québécois aura-t-il le courage et la vision de se redéfinir, d'amorcer une refondation à la fois quant au contenu de l'indépendance et quant à la démarche pour réaliser celle qu'il n'a pas réussi à faire à son congrès spécial de novembre 2019 ? Si le passé est garant de l'avenir, il faudra compter sur d'autres instruments que le Parti québécois pour remettre le cap sur l'indépendance.



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