samedi 16 mai 2020

Il y a 40 ans, le Référendum.

(Extrait de ma chronique dans le Magazine Oui Je le veux)

Il y a 40 ans, le 20 mai 1980 je participais comme député au  premier référendum sur la souveraineté-association,  dans un contexte piégé.  Malgré l’excellent gouvernement provincial qu’avait été le Parti Québécois au début de son mandat, malgré toutes les atténuations de son option, « pour ne pas effrayer la population » , malgré la crédibilité de son chef et de ses porte-paroles, l’option n’avait pas progressé d’un iota par rapport au vote de 1976. 
     Satisfait du « bon gouvernement », les gens se réservaient le droit de voter non au référendum. Par ailleurs, les arguments sur le pourquoi de l’indépendance ne leur avaient jamais été présentés, le Parti québécois étant presqu’entièrement préoccupé à gouverner la province. Comme nous le verrons, la campagne référendaire n’allait pas permettre non plus de le faire.
   On allait choisir plutôt « d’atténuer les contours de la souveraineté ». Le chef du parti et ceux qui l’avaient suivi en quittant le Parti libéral étaient réfractaires au discours de libération nationale et à l’usage du mot « indépendance » jugé trop agressif.  Cela faisait dire, à la veille du référendum, en 1979, à une Andrée Ferretti : « la prise du pouvoir par le Parti québécois a, d'une certaine manière, signé l'arrêt du combat pour l'indépendance. En rayant le mot de ses discours et de son programme, et la chose de son administration, le PQ a vidé notre grand projet collectif des contenus idéologiques et politiques qui faisaient sa force réelle ».
     Déjà, à l’Assemblée Nationale, le 10 octobre 1978, René Lévesque avait mis un trait d’union entre souveraineté et association : « Il n’est pas question dans notre esprit d’obtenir d’abord la souveraineté, puis de négocier l’association par la suite. Nous ne voulons pas briser, mais bien transformer radicalement, notre union avec le reste du Canada, afin que, dorénavant, nos relations se poursuivent sur la base d’une égalité pleine et entière.»  Comme le soulignait par la suite l’éditorialiste du Devoir Lise Bissonnette : « Il devient clair que les Québécois auront à se prononcer sur un simple « mandat de négocier la souveraineté-association (…) la souveraineté elle-même sera mise en veilleuse encore une fois, au profit de la promesse d’un lien encore très substantiel avec le reste du Canada ». Cette logique viciée à la base, plaçait le Québec dans le rôle de quémandeur, sans rapport de force; une logique vouée à l’échec.
Un an et demi plus tard, au comité de préparation de la campagne référendaire auquel je participais, je me rappelle que nous avons discuté longuement du libellé de la question. Si la stratégie dite du « trait d’union entre souveraineté et association » n’était plus discutable, celle d’un deuxième référendum ne faisait pas consensus, mais pas du tout. Au Conseil des ministres, Jacques Parizeau combattait avec ardeur cette idée. Tout comme lui, j’appris avec l’ensemble des députés le libellé final de la question lors de son dépôt à l’Assemblée Nationale. Elles contenait ces deux nouvelles « étapes », le trait d'union et un référendum qui menait à une deuxième référendum, visant soi-disant à sécuriser la population, étapes qui n’avaient jamais été discutées au sein du Parti ou du caucus des députés.
     Pourquoi les Québécois ont-ils finalement refusé leur appui au référendum de 1980, alors que la proposition était, somme toute, si peu engageante ? Comme l’a souligné Pierre Bourgault, « Il se passa quelque chose d’inouï pendant la campagne référendaire (…). Les adversaires de l’indépendance disaient, pensant faire peur « Si vous votez OUI, le Québec deviendra indépendant. » Les tenants de l’indépendance disaient au contraire « Si vous votez OUI, ne vous inquiétez pas, nous ne ferons pas l’indépendance mais une nouvelle entente. Les fédéralistes parlaient d’indépendance, pendant que les indépendantistes parlaient d’association ». 
     À la fin de cette campagne tordue, Trudeau emporta l’adhésion en mettant son siège en jeu pour une changement dans le statut politique du Québec, compris à tort comme un accroissement de l’autonomie du Québec dans le Canada. Trudeau affirmait qu’un NON voulait dire un OUI et Lévesque affirmait qu’un OUI voulait dire au mieux un PEUT-ÊTRE. 

On peut expliquer la défaite référendaire par le fait que la peur engendre la peur, au mieux l’indécision. Certains se sont demandé : « que peut-il y avoir de si terrible derrière ce projet d’indépendance pour que ses principaux partisans aient peur de nous le présenter ». D’autres se sont sans doute dit que puisque qu’un OUI au référendum n’allait rien changer dans l’immédiat, alors pourquoi prendre un risque peut-être réel si on en croyait ses opposants. 
     Au final, la stratégie du référendum de 1980 fut une grave erreur dont le Parti québécois, et surtout le Québec paient encore le prix aujourd’hui. La stratégie de répondre à la campagne de peur des adversaires par des évitements, des faux-fuyants a elle-même fait rayonner la peur plutôt que de la vaincre par des réponses claires sur les avantages de l’indépendance et une volonté assumée de la réaliser.   La culture même d’un parti, la motivation et l’élan de tout un mouvement populaire avait été stoppés, rendant difficile une reprise du combat d’indépendance avec la même ferveur et la même force qu’avant. 
     Il a fallu attendre quinze ans et le retour d'un Jacques Parizeau pour qu'une nouvelle chance nous soit donnée de faire du Québec un pays.

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