Si un vote de confiance avait eu lieu avant la
démission des sept députés, il aurait sans doute été positif à 80%-90% tant
Martine Ouellet avait réussi à relancer le parti de façon dynamique. Des
sondages entre 23 et 30% gratifiaient le Bloc du titre de principale opposition aux Libéraux de Trudeau au Québec. Le Bloc venait de réaliser une campagne de financement historique de près d’un
million de dollars. Il avait entrepris de se doter d’un programme
mobilisateur en vue de l’élection 2019.
Début juin 2018, le vote sera au
contraire serré suite à une campagne médiatique inqualifiable, presque à sens
unique. Aucun média, aucun chroniqueur, n’a voulu se questionner sur les
véritables motifs des démissions des sept députés. Un tel geste,
soi-disant à cause d’un conflit interne, aurait normalement dû se régler à
l’interne. Il a stoppé net l’élan que le Bloc s’était donné avec Martine
Ouellet dans la dernière année.
Et maintenant, on avance essentiellement six arguments pour que les membres du Bloc retirent leur confiance à Martine Ouellet. Voici ma réplique.
1- Des « radicaux » auraient noyauté le Bloc québécois ?
Le changement de garde et d'orientation à l’intérieur du Bloc
prend sa source dans la défaite de 2011. La vague orange aura eu pour effet de
renvoyer chez eux les membres du Bloc les plus attentistes, alors que ceux qui
voulaient résolument travailler à l’indépendance sont resté et ont élu Mario Beaulieu
à la tête du Bloc en 2014. Son leadeurship fut immédiatement contesté par
Gilles Duceppe, suscitant la démission de deux députés et une baisse dans les sondages. Celui-ci revint par la
suite en sauveur pour régler un problème que ses partisans avaient contribué à
créer en minant la crédibilité du chef démocratiquement élu. Après l’élection
de 2015, en mars 2017, Martine Ouellet était élue chef du Bloc par acclamation,
Le clan Duceppe avait cherché, sans succès, pendant des mois un candidat assez
fort pour l’affronter. L’histoire allait se répéter, le travail de sape du
leadeurship de la nouvelle cheffe culminant par la démission de sept députés et
une campagne médiatique bien orchestrée et sans merci.
La démocratie avait
parlé deux fois en amenant à la tête du Bloc deux chef proactifs quant à
l’indépendance. Il ne s’agissait pas de noyautage de la part de soi-disant
« radicaux », mais plutôt de deux changements de garde suivi de deux
coup de force de députés ou d’anciens députés. Ces derniers, n’étant plus en
phase avec la majorité des militants, ont tenté un pustch, pour reprendre le
contrôle du parti. Le fait que les députés démissionnaires décident maintenant
de créer un autre parti révèle bien leurs véritables motivations et leurs
craintes d’assumer leur choix indépendantiste.
2- Martine Ouellet plomberait les appuis au Bloc québécois ?
En décembre 2017, avant que la crise n’éclate
suite à la démission des 7 députés du Bloc, un sondage IPSOS démontrait une
progression des appuis au Bloc québécois. Les chiffres pour le Québec étaient
les suivants : libéraux 45 %, Bloc québécois 21 %, NPD 15 % et
conservateurs 14 %. Avec Martine Ouellet à sa tête, le Bloc faisait
mieux que ses 19,5 % à l’élection 2015, ou ses 21% à celle de 2011. Faudrait-il
en conclure que Gilles Duceppe plombait les appuis du Bloc Québécois ou
n’était-ce pas plutôt l’ancienne mission du Bloc qui était dépassée ? En fait,
suite à la démission des 7 députés en février dernier, suivi d’un appel à la
démission de Martine Ouellet, appuyé par Gilles Duceppe et repris en chœur dans
les médias, un sondage IPSOS, réalisé entre le 28 février et le 1er mars 2018 –
en pleine crise – montrait le Bloc Québécois à 13%. Autrement dit, ceux qui
avaient troué la coque du navire pouvaient se justifier de l’avoir abandonné en
disant « regardez on coule, Martine Ouellet parle trop
d’indépendance ». Est-ce crédible ? Des indépendantistes qui ont peur
qu’on parle trop d’indépendance.
3- La crise au Bloc ferait perdre les élections au PQ ?
En décembre 2017, le PQ était déjà à 19% dans les
sondages, il est à 20% début mai 2018, donc rien à voir avec la
« crise » au Bloc québécois puisque l’appui est le même. En fait, la
chute du PQ dans les sondages a commencé en janvier 2017 (voir la courbe des
sondages Léger), deux mois avant même l’élection de Martine Ouellet à la tête
du Bloc québécois en mars 2017 et bien avant la démission des 7 députés en mars
2018. Une cause importante, selon la majorité des observateurs de la scène
politique serait plutôt le report de l’indépendance en 2022, qui aurait eu pour
effet de transférer beaucoup d’électeurs du PQ en appui à la CAQ.
4- Si Martine Ouellet partait, les démissionnaires reviendraient ?
C’est ce que semble maintenant croire
Mario Beaulieu. Maintenant qu’ils ont annoncé qu’ils allaient fonder leur
propre parti ouvert aux fédéralistes, cet argument ne tient plus. Au contraire,
c’est en faisant appel aux indépendantistes que l’on peut faire remonter le
niveau d’appui comme il était avant les démissions. Dans quelque temps, les
démissionnaires constateront sans doute la difficulté de créer un nouveau parti et
les plus indépendantistes reviendront au Bloc. Avec Martine Ouellet et l’impulsion qu’elle est
capable de donner au parti, nous aurons une équipe renouvelée de candidats du
Bloc dans les 78 comtés du Québec à l’élection de 2019. On peut espérer qu’avec
le temps, certains démissionnaires en seront.
5- Le problème au Bloc serait l’intransigeance de Martine Ouellet ?
Au départ, les
démissionnaires ont refusé de mettre en commun leur personnel pour permettre à
la chef de coordonner les ressources parlementaires du Parti à Ottawa. Quelques
jours après son élection, un député, Luc Thériault, qui s’était opposé à sa
nomination, cherchait déjà à obtenir son départ. Par la suite, il a été
impossible d’obtenir une véritable collaboration pour que quelques questions en
chambre soient préparées par la chef. Plusieurs démissionnaires persistaient à défendre
les intérêts du Québec sans faire la promotion de l’indépendance. Avant leur
démission, invités à rencontrer le Bureau national du parti, ils ont fait
parvenir une lettre de refus. Par la suite, ils ont également refusé toute
médiation telle que proposée par la cheffe du Parti. Encore maintenant, ils
refusent toute discussion même si la porte du Parti leur est toujours ouverte. Où se trouve l'intransigeance ?
6- Le Bloc avec Martine Ouellet ne voudrait plus défendre les intérêts du Québec ?
C’est une autre accusation sans fondement. La
cheffe du Bloc a mené plusieurs défenses des intérêts du Québec: crise de migrants,
négociations de l’ALENA, lutte aux paradis fiscaux, chantiers de la Davie à
Lévis, transport du pétrole, déchets nucléaires de Charlk River, etc. Le projet
de programme du Bloc élaboré par l’équipe de Martine Ouellet vise à défendre
les intérêts du Québec mais dans un cadre indépendantiste. Ce projet de
programme a été retenu à l’unanimité lors du dernier Conseil général comme
proposition principale en vue du Congrès de 2019 et de la future plateforme
électorale. On y explique l’importance de défendre les intérêts du Québec dans
tous les domaines, mais en lien avec le cadre indépendantiste du programme du Parti.
Chacun des neuf chapitres du programme contient des sujets d’action politique
pour défendre le Québec d’ici l’indépendance, tout en proposant des projets que la
République du Québec permettrait de réaliser avec
l’indépendance.
Les conséquences d’un bris de confiance
L’impact d’un « non » au vote de confiance serait désastreux, conduisant le parti au bord du gouffre. Si Mme Ouellet doit partir, elle ne partira pas seule. Plusieurs organisations de circonscription vont aussi abandonner. Le Bloc Québécois sera essentiellement en mode « pause » pour plusieurs mois dans l’attente d’une course à la chefferie qui ne pourra avoir lieu qu’après l’élection provinciale du 1er octobre prochain. La campagne de financement pour 2019 et le fonctionnement du secrétariat national seront compromis. Finalement Il ne restera plus assez de temps au nouveau chef pour reconstruire le parti dans les 78 circonscriptions et pour se doter d’un fonds électoral décent en vue de la prochaine élection. Et sur quel thème ? La défense des intérêts du Québec ? Gardons plutôt le cap sur l’indépendance en renouvelant notre confiance, non seulement à Martine Ouellet, mais à nous tous pour relancer le parti dans les voies productives qui étaient les siennes avant le début de cette crise.
Ce nouvel élan commence par
un OUI à la mission du Bloc et au vote de confiance envers la cheffe qui défend admirablement bien cette mission. C’est au nom de la beauté et de la grandeur de notre projet de
liberté, qui nous enflamme et qui nous appartient tous, que nous devons réunir
nos forces. L’avenir n’est pas dans la démission ou le repli aux pratiques
anciennes, mais dans la solidarité renouvelée et l’engagement à nous donner un
pays.