lundi 28 mai 2018

Les faux arguments contre un vote de confiance à Martine Ouellet


Si un vote de confiance avait eu lieu avant la démission des sept députés, il aurait sans doute été positif à 80%-90% tant Martine Ouellet avait réussi à relancer le parti de façon dynamique. Des sondages entre 23 et 30% gratifiaient le Bloc du titre de principale opposition aux Libéraux de Trudeau au Québec. Le Bloc venait de réaliser une campagne de financement historique de près d’un million de dollars. Il avait entrepris de se doter d’un programme mobilisateur en vue de l’élection 2019. 
Début juin 2018, le vote sera au contraire serré suite à une campagne médiatique inqualifiable, presque à sens unique. Aucun média, aucun chroniqueur, n’a voulu se questionner sur les véritables motifs des démissions des sept députés.  Un tel geste, soi-disant à cause d’un conflit interne, aurait normalement dû se régler à l’interne. Il a stoppé net l’élan que le Bloc s’était donné avec Martine Ouellet dans la dernière année.

Et maintenant, on avance essentiellement six arguments pour que les membres du Bloc retirent leur confiance à Martine Ouellet. Voici ma réplique.

1- Des « radicaux » auraient noyauté le Bloc québécois ?

Le changement de garde et d'orientation à l’intérieur du Bloc prend sa source dans la défaite de 2011. La vague orange aura eu pour effet de renvoyer chez eux les membres du Bloc les plus attentistes, alors que ceux qui voulaient résolument travailler à l’indépendance sont resté et ont élu Mario Beaulieu à la tête du Bloc en 2014. Son leadeurship fut immédiatement contesté par Gilles Duceppe, suscitant la démission de deux députés et une baisse dans les sondages. Celui-ci revint par la suite en sauveur pour régler un problème que ses partisans avaient contribué à créer en minant la crédibilité du chef démocratiquement élu. Après l’élection de 2015, en mars 2017, Martine Ouellet était élue chef du Bloc par acclamation, Le clan Duceppe avait cherché, sans succès, pendant des mois un candidat assez fort pour l’affronter. L’histoire allait se répéter, le travail de sape du leadeurship de la nouvelle cheffe culminant par la démission de sept députés et une campagne médiatique bien orchestrée et sans merci. 
La démocratie avait parlé deux fois en amenant à la tête du Bloc deux chef proactifs quant à l’indépendance. Il ne s’agissait pas de noyautage de la part de soi-disant « radicaux », mais plutôt de deux changements de garde suivi de deux coup de force de députés ou d’anciens députés. Ces derniers, n’étant plus en phase avec la majorité des militants, ont tenté un pustch, pour reprendre le contrôle du parti. Le fait que les députés démissionnaires décident maintenant de créer un autre parti révèle bien leurs véritables motivations et leurs craintes d’assumer leur choix indépendantiste.

2- Martine Ouellet plomberait les appuis au Bloc québécois ?

En décembre 2017, avant que la crise n’éclate suite à la démission des 7 députés du Bloc, un sondage IPSOS démontrait une progression des appuis au Bloc québécois. Les chiffres pour le Québec étaient les suivants : libéraux 45 %, Bloc québécois 21 %, NPD 15 % et conservateurs 14 %. Avec Martine Ouellet à sa tête, le Bloc faisait mieux que ses 19,5 % à l’élection 2015, ou ses 21% à celle de 2011. Faudrait-il en conclure que Gilles Duceppe plombait les appuis du Bloc Québécois ou n’était-ce pas plutôt l’ancienne mission du Bloc qui était dépassée ? En fait, suite à la démission des 7 députés en février dernier, suivi d’un appel à la démission de Martine Ouellet, appuyé par Gilles Duceppe et repris en chœur dans les médias, un sondage IPSOS, réalisé entre le 28 février et le 1er mars 2018 – en pleine crise – montrait le Bloc Québécois à 13%. Autrement dit, ceux qui avaient troué la coque du navire pouvaient se justifier de l’avoir abandonné en disant « regardez on coule, Martine Ouellet parle trop d’indépendance ». Est-ce crédible ? Des indépendantistes qui ont peur qu’on parle trop d’indépendance.

3- La crise au Bloc ferait perdre les élections au PQ ?

En décembre 2017, le PQ était déjà à 19% dans les sondages, il est à 20% début mai 2018, donc rien à voir avec la « crise » au Bloc québécois puisque l’appui est le même. En fait, la chute du PQ dans les sondages a commencé en janvier 2017 (voir la courbe des sondages Léger), deux mois avant même l’élection de Martine Ouellet à la tête du Bloc québécois en mars 2017 et bien avant la démission des 7 députés en mars 2018. Une cause importante, selon la majorité des observateurs de la scène politique serait plutôt le report de l’indépendance en 2022, qui aurait eu pour effet de transférer beaucoup d’électeurs du PQ en appui à la CAQ.

4- Si Martine Ouellet partait, les démissionnaires reviendraient ?

C’est ce que semble maintenant croire Mario Beaulieu. Maintenant qu’ils ont annoncé qu’ils allaient fonder leur propre parti ouvert aux fédéralistes, cet argument ne tient plus. Au contraire, c’est en faisant appel aux indépendantistes que l’on peut faire remonter le niveau d’appui comme il était avant les démissions. Dans quelque temps, les démissionnaires constateront sans doute la difficulté de créer un nouveau parti et les plus indépendantistes reviendront au Bloc. Avec Martine Ouellet et l’impulsion qu’elle est capable de donner au parti, nous aurons une équipe renouvelée de candidats du Bloc dans les 78 comtés du Québec à l’élection de 2019. On peut espérer qu’avec le temps, certains démissionnaires en seront.

5- Le problème au Bloc serait l’intransigeance de Martine Ouellet ?

Au départ, les démissionnaires ont refusé de mettre en commun leur personnel pour permettre à la chef de coordonner les ressources parlementaires du Parti à Ottawa. Quelques jours après son élection, un député, Luc Thériault, qui s’était opposé à sa nomination, cherchait déjà à obtenir son départ. Par la suite, il a été impossible d’obtenir une véritable collaboration pour que quelques questions en chambre soient préparées par la chef. Plusieurs démissionnaires persistaient à défendre les intérêts du Québec sans faire la promotion de l’indépendance. Avant leur démission, invités à rencontrer le Bureau national du parti, ils ont fait parvenir une lettre de refus. Par la suite, ils ont également refusé toute médiation telle que proposée par la cheffe du Parti. Encore maintenant, ils refusent toute discussion même si la porte du Parti leur est toujours ouverte. Où se trouve l'intransigeance ?

6- Le Bloc avec Martine Ouellet ne voudrait plus défendre les intérêts du Québec ?

C’est une autre accusation sans fondement. La cheffe du Bloc a mené plusieurs défenses des intérêts du Québec: crise de migrants, négociations de l’ALENA, lutte aux paradis fiscaux, chantiers de la Davie à Lévis, transport du pétrole, déchets nucléaires de Charlk River, etc. Le projet de programme du Bloc élaboré par l’équipe de Martine Ouellet vise à défendre les intérêts du Québec mais dans un cadre indépendantiste. Ce projet de programme a été retenu à l’unanimité lors du dernier Conseil général comme proposition principale en vue du Congrès de 2019 et de la future plateforme électorale. On y explique l’importance de défendre les intérêts du Québec dans tous les domaines, mais en lien avec le cadre indépendantiste du programme du Parti. Chacun des neuf chapitres du programme contient des sujets d’action politique pour défendre le Québec d’ici l’indépendance, tout en proposant des projets que la République du Québec permettrait de réaliser avec l’indépendance.

Les conséquences d’un bris de confiance

L’impact d’un « non » au vote de confiance serait désastreux, conduisant le parti au bord du gouffre. Si Mme Ouellet doit partir, elle ne partira pas seule.  Plusieurs organisations de circonscription vont aussi abandonner. Le Bloc Québécois sera essentiellement en mode « pause » pour plusieurs mois dans l’attente d’une course à la chefferie qui ne pourra avoir lieu qu’après l’élection provinciale du 1er octobre prochain. La campagne de financement pour 2019 et le fonctionnement du secrétariat national seront compromis. Finalement Il ne restera plus assez de temps au nouveau chef pour reconstruire le parti dans les 78 circonscriptions et pour se doter d’un fonds électoral décent en vue de la prochaine élection. Et sur quel thème ? La défense des intérêts du Québec ? Gardons plutôt le cap sur l’indépendance en renouvelant notre confiance, non seulement à Martine Ouellet, mais à nous tous pour relancer le parti dans les voies productives qui étaient les siennes avant le début de cette crise. 

Ce nouvel élan commence par un OUI à la mission du Bloc et au vote de confiance envers la cheffe qui défend admirablement bien cette mission. C’est au nom de la beauté et de la grandeur de notre projet de liberté, qui nous enflamme et qui nous appartient tous, que nous devons réunir nos forces. L’avenir n’est pas dans la démission ou le repli aux pratiques anciennes, mais dans la solidarité renouvelée et l’engagement à nous donner un pays.

vendredi 23 mars 2018

Le Bloc, trop indépendantiste ou pas assez ?

Article publié dans Le Devoir ce matin.






Dans le devoir du 21 mars, une opinion publiée dans la page idée porte le titre « Le BQ, un parti déjà trop indépendantiste en 2011 ». Ce texte veut démontrer qu’il y aurait eu un virage indépendantiste au Bloc en 2011 qui expliquerait en partie sa débandade électorale, le Bloc ne faisant élire que 4 députés et obtenant 23,4% du vote au Québec. Or rien n’est plus faux! Il suffit de consulter les articles de l’époque pour constater qu’il y a de multiple causes expliquant la défaite du Bloc, mais certainement pas une campagne électorale trop indépendantiste.
Interrogé par un journaliste de la Presse au début de la campagne, le chef du Bloc, Gilles Duceppe, défendait le slogan de campagne « Parlons Qc » et la disparition du concept de « souveraineté » sur les pancartes électorales du Bloc. Il avançait à l’époque trois types de réponse à la question existentielle « À quoi sert le Bloc » : la réponse nationaliste à l’effet que seul le Bloc avait la capacité réelle de défendre les intérêts du Québec ; la réponse progressiste, où le Bloc parlait de solidarité, de filet social pour les ainés et de protection des démunis ; et la réponse identitaire qui consistait à exprimer ce qu’est ce peuple distinct du Québec. Même si le mot « souveraineté » était invisible sur les pancartes et dans les communications du parti, il faut reconnaitre que M. Duceppe en parlait souvent devant les militants. Le problème est que ce n’était pas un sujet d’intervention publique qui aurait pu préparer les esprits à autre avenir que celui d’une province au sein du Canada.
Dans le dernier chapitre de son histoire du Bloc québécois, qu’elle intitule « Chronique d’une mort annoncée », Martine Tremblay fait une analyse fouillée de la période 2009-2011. Bien au contraire d’une campagne indépendantiste passionnée, elle souligne que « rien de change », le Bloc continuant à se présenter comme « le seul parti fédéral voué exclusivement à la défense des intérêts du Québec ». Elle souligne aussi la lassitude devant « les réclamations incessantes des élus bloquistes, au fil des ans. »
Dans la plateforme électorale de 150 pages publiée en 2011, le Bloc se présente comme « le seul parti en mesure d’empêcher Stephen Harper d’obtenir une majorité et d’imposer son agenda idéologique ». On ajoute que « le BQ n’exclut pas la possibilité d’appuyer une coalition gouvernementale (…) Parlons Qc c’est exprimer ce que nous sommes, c’est faire avancer les choses. (…) Pour régler, il faut qu’on se parle ». Autrement dit, on se propose de s’impliquer à fond dans la gestion du régime canadien, comme au moment de l’éphémère alliance avec le parti libéral de Stéphane Dion et le NPD, de faire en somme du fédéralisme renouvelé actif, de viser des gains concrets, par la négociation avec les autres partis. Martine Tremblay conclut ainsi son ouvrage: « En définitive, en 2011, le Bloc parait être allé au bout de sa logique qui consistait à défendre bec et ongles les intérêts du Québec en attendant un troisième référendum »
Manifestement, l’ancien chef du Bloc et certains députés passés ou actuels du Bloc n’ont pas encore tiré les conclusions qui s’imposent. Au début de la campagne de 2015, on semblait l’avoir compris avec le thème « Qui prend pays prend parti ». Ce thème pouvait amorcer une campagne liant la lutte sur les sujets du moment (comme Énergie est) et l’action parlementaire à Ottawa AVEC la nécessité de nous donner les moyens d’un pays. Mais cette campagne n’eut jamais lieu, le thème étant remplacé rapidement par « Avec le Bloc, on a tout à gagner ».  Tout le monde comprenait que c’était dans le Canada qu’on gagnerait et non dans le Québec pays. Pour faire le plein des votes indépendantistes, il fallait au contraire expliquer le pourquoi de l’indépendance à travers la défense des intérêts du Québec, situer cette élection comme nous donnant les moyens, des députés, du personnel plein temps, des outils de recherche et de communications, pour faire croitre l’appui à l’indépendance au Québec.

Malgré la remarquable défense des intérêts du Québec à Ottawa sous la direction de Gilles Duceppe, la moitié des 36% des d'indépendantistes qui restent au Québec ont déserté l'appui au Bloc québécois en 2011 et en 2015, en votant pour des partis fédéralistes. On ne peut prétendre continuer avec la même approche. Il faut une réflexion profonde sur le rôle du Bloc à Ottawa et un changement d'orientation, un changement peut-être difficile à accepter chez certains, mais un changement nécessaire.


mercredi 28 février 2018

Le Québec a besoin d’un Bloc québécois uni.

Appel aux députés démissionnaires


En tant qu’ancien candidat du Bloc à l’élection de 2015, je suis à la fois fier de mon parti et inquiet pour son avenir suite à vos démissions. Je suis fier de ce que le parti a accompli depuis la défaite de 2011 pour redevenir un instrument politique présent et efficace au service du Québec. Je suis fier des prises de position des députés et de la cheffe du parti sur la place publique. En même temps, je suis inquiet des divergences qui jettent de l’ombre sur les positions du parti. Je vous supplie de résoudre démocratiquement vos divergences au sein des instances du parti plutôt que sur la place publique. On dit que certains députés veulent défendre les intérêts du Québec à Ottawa et que la cheffe veut d’abord et avant tout travailler à promouvoir l’indépendance. Est-ce vraiment nécessaire de dire qu’il faut faire les deux ?
     Nous sommes en train de gaspiller une conjoncture extrêmement favorable suite à la dégringolade du NPD et le peu d’attrait du parti conservateur au Québec. Pour gagner au Québec, pour faire avancer l’idée d’indépendance, les indépendantistes ont besoin d’un Bloc québécois uni.

La cheffe, les députés et le parti

Nous avons besoin d’une cheffe de la trempe de Martine Ouellet comme porte parole du Bloc Québécois.  Comme le soulignait Michel David il y a quelques temps, Martine Ouellet « redonnera au Bloc une visibilité médiatique qu’il n’a pas eue depuis l’époque de Gilles Duceppe ». Cela était visible hier lors de la critique du budget Morneau. Personne en effet dans la classe politique ne remet en doute l’impulsion que la députée de Vachon a commencé à donner à un parti déjà doté d’une solide équipe de 10 députés et d’un membership de 20 000 membres qui dépasse au Québec ceux du NPD et du Parti conservateur réunis.
     Nous avons tout aussi besoin des sept députés qui font un travail extraordinaire à Ottawa et sur le terrain à Québec. J’en suis témoin dans ma région. Mon député est Gabriel Ste-Marie et j’ai souligné à plusieurs reprises son magnifique travail, notamment sur la question des paradis fiscaux, où il faut d’ailleurs être un pays pour agir. J’ai aussi travaillé de près avec Monique Pauzé lors des États généraux sur la souveraineté, qui fait un solide travail sur la lutte pour l’environnement et le climat. Puis-je vous supplier de reconsidérer votre décision ou au moins d’en discuter avec moi à titre de président des Oui Québec dans votre région. Ces démissions vont démobiliser les indépendantistes dans la région et au Québec à un moment critique où il faut que le Bloc récupère tous les moyens d’un parti reconnu à Ottawa pour soutenir son action.

Les objectifs et l’action du Parti

Vous devez pourtant être convaincus comme moi qu’il n’y a pas d’opposition entre la défense des intérêts du Québec à Ottawa et la promotion d’un programme indépendantiste. Au contraire. Un projet de pays du Québec, est nécessaire à la promotion de l’indépendance par le parti et fournit également un cadre nécessaire pour la critique du régime et la défense des intérêts du Québec à Ottawa.
     Prenons l’exemple de la récente mesure d’équité salariale du budget Morneau. Le rôle du Bloc est bien sûr d’en faire la critique tout en soulignant que, si le Québec était un pays, la « nouvelle » mesure fédérale serait en application depuis longtemps. Tous les employés de la fonction publique et du secteur privé fédéral, soit quelques 300 000 salariés au Québec, auraient bénéficié de la politique d’équité salariale du Québec qui a fait en sorte que dans la fonction publique québécoise le salaire des femmes atteint 98% de celui des hommes.
     Sur tous les plans, territoire, langue et culture, environnement, économie, justice sociale, démocratie, relations internationales, des orientations indépendantistes claires fournissent un cadre à l’action politique de notre parti à Ottawa jusqu’à ce que le Québec devienne un pays. Le lien doit être fait constamment entre ce cadre indépendantiste et la défense des intérêts du Québec. L’absence de ce lien dans le discours indépendantiste s’est fait rare depuis trop longtemps, faisant le jeu de nos adversaires fédéralistes.
     Est-ce « changement » d’orientation dont parle Martine Ouellet qui est mal accepté ou mal compris ? Il s’agit pourtant d’un changement que souhaite la grande majorité des militantes et des militants du Bloc. Après deux ans, êtes vous déjà habitués au rôle plus traditionnel d’opposition à Ottawa. Bon gouvernement à Québec, bonne opposition à Ottawa.

     Contrairement à 2011, le Bloc doit pouvoir faire le plein des votes indépendantistes du Québec. Cette victoire possible en 2019 doit en effet être la préoccupation principale de tous les indépendantistes et, plus largement, de tous ceux qui ont à cœur les intérêts du Québec et son avenir politique.

Archive du blog