vendredi 23 mars 2018

Le Bloc, trop indépendantiste ou pas assez ?

Article publié dans Le Devoir ce matin.






Dans le devoir du 21 mars, une opinion publiée dans la page idée porte le titre « Le BQ, un parti déjà trop indépendantiste en 2011 ». Ce texte veut démontrer qu’il y aurait eu un virage indépendantiste au Bloc en 2011 qui expliquerait en partie sa débandade électorale, le Bloc ne faisant élire que 4 députés et obtenant 23,4% du vote au Québec. Or rien n’est plus faux! Il suffit de consulter les articles de l’époque pour constater qu’il y a de multiple causes expliquant la défaite du Bloc, mais certainement pas une campagne électorale trop indépendantiste.
Interrogé par un journaliste de la Presse au début de la campagne, le chef du Bloc, Gilles Duceppe, défendait le slogan de campagne « Parlons Qc » et la disparition du concept de « souveraineté » sur les pancartes électorales du Bloc. Il avançait à l’époque trois types de réponse à la question existentielle « À quoi sert le Bloc » : la réponse nationaliste à l’effet que seul le Bloc avait la capacité réelle de défendre les intérêts du Québec ; la réponse progressiste, où le Bloc parlait de solidarité, de filet social pour les ainés et de protection des démunis ; et la réponse identitaire qui consistait à exprimer ce qu’est ce peuple distinct du Québec. Même si le mot « souveraineté » était invisible sur les pancartes et dans les communications du parti, il faut reconnaitre que M. Duceppe en parlait souvent devant les militants. Le problème est que ce n’était pas un sujet d’intervention publique qui aurait pu préparer les esprits à autre avenir que celui d’une province au sein du Canada.
Dans le dernier chapitre de son histoire du Bloc québécois, qu’elle intitule « Chronique d’une mort annoncée », Martine Tremblay fait une analyse fouillée de la période 2009-2011. Bien au contraire d’une campagne indépendantiste passionnée, elle souligne que « rien de change », le Bloc continuant à se présenter comme « le seul parti fédéral voué exclusivement à la défense des intérêts du Québec ». Elle souligne aussi la lassitude devant « les réclamations incessantes des élus bloquistes, au fil des ans. »
Dans la plateforme électorale de 150 pages publiée en 2011, le Bloc se présente comme « le seul parti en mesure d’empêcher Stephen Harper d’obtenir une majorité et d’imposer son agenda idéologique ». On ajoute que « le BQ n’exclut pas la possibilité d’appuyer une coalition gouvernementale (…) Parlons Qc c’est exprimer ce que nous sommes, c’est faire avancer les choses. (…) Pour régler, il faut qu’on se parle ». Autrement dit, on se propose de s’impliquer à fond dans la gestion du régime canadien, comme au moment de l’éphémère alliance avec le parti libéral de Stéphane Dion et le NPD, de faire en somme du fédéralisme renouvelé actif, de viser des gains concrets, par la négociation avec les autres partis. Martine Tremblay conclut ainsi son ouvrage: « En définitive, en 2011, le Bloc parait être allé au bout de sa logique qui consistait à défendre bec et ongles les intérêts du Québec en attendant un troisième référendum »
Manifestement, l’ancien chef du Bloc et certains députés passés ou actuels du Bloc n’ont pas encore tiré les conclusions qui s’imposent. Au début de la campagne de 2015, on semblait l’avoir compris avec le thème « Qui prend pays prend parti ». Ce thème pouvait amorcer une campagne liant la lutte sur les sujets du moment (comme Énergie est) et l’action parlementaire à Ottawa AVEC la nécessité de nous donner les moyens d’un pays. Mais cette campagne n’eut jamais lieu, le thème étant remplacé rapidement par « Avec le Bloc, on a tout à gagner ».  Tout le monde comprenait que c’était dans le Canada qu’on gagnerait et non dans le Québec pays. Pour faire le plein des votes indépendantistes, il fallait au contraire expliquer le pourquoi de l’indépendance à travers la défense des intérêts du Québec, situer cette élection comme nous donnant les moyens, des députés, du personnel plein temps, des outils de recherche et de communications, pour faire croitre l’appui à l’indépendance au Québec.

Malgré la remarquable défense des intérêts du Québec à Ottawa sous la direction de Gilles Duceppe, la moitié des 36% des d'indépendantistes qui restent au Québec ont déserté l'appui au Bloc québécois en 2011 et en 2015, en votant pour des partis fédéralistes. On ne peut prétendre continuer avec la même approche. Il faut une réflexion profonde sur le rôle du Bloc à Ottawa et un changement d'orientation, un changement peut-être difficile à accepter chez certains, mais un changement nécessaire.


mercredi 28 février 2018

Le Québec a besoin d’un Bloc québécois uni.

Appel aux députés démissionnaires


En tant qu’ancien candidat du Bloc à l’élection de 2015, je suis à la fois fier de mon parti et inquiet pour son avenir suite à vos démissions. Je suis fier de ce que le parti a accompli depuis la défaite de 2011 pour redevenir un instrument politique présent et efficace au service du Québec. Je suis fier des prises de position des députés et de la cheffe du parti sur la place publique. En même temps, je suis inquiet des divergences qui jettent de l’ombre sur les positions du parti. Je vous supplie de résoudre démocratiquement vos divergences au sein des instances du parti plutôt que sur la place publique. On dit que certains députés veulent défendre les intérêts du Québec à Ottawa et que la cheffe veut d’abord et avant tout travailler à promouvoir l’indépendance. Est-ce vraiment nécessaire de dire qu’il faut faire les deux ?
     Nous sommes en train de gaspiller une conjoncture extrêmement favorable suite à la dégringolade du NPD et le peu d’attrait du parti conservateur au Québec. Pour gagner au Québec, pour faire avancer l’idée d’indépendance, les indépendantistes ont besoin d’un Bloc québécois uni.

La cheffe, les députés et le parti

Nous avons besoin d’une cheffe de la trempe de Martine Ouellet comme porte parole du Bloc Québécois.  Comme le soulignait Michel David il y a quelques temps, Martine Ouellet « redonnera au Bloc une visibilité médiatique qu’il n’a pas eue depuis l’époque de Gilles Duceppe ». Cela était visible hier lors de la critique du budget Morneau. Personne en effet dans la classe politique ne remet en doute l’impulsion que la députée de Vachon a commencé à donner à un parti déjà doté d’une solide équipe de 10 députés et d’un membership de 20 000 membres qui dépasse au Québec ceux du NPD et du Parti conservateur réunis.
     Nous avons tout aussi besoin des sept députés qui font un travail extraordinaire à Ottawa et sur le terrain à Québec. J’en suis témoin dans ma région. Mon député est Gabriel Ste-Marie et j’ai souligné à plusieurs reprises son magnifique travail, notamment sur la question des paradis fiscaux, où il faut d’ailleurs être un pays pour agir. J’ai aussi travaillé de près avec Monique Pauzé lors des États généraux sur la souveraineté, qui fait un solide travail sur la lutte pour l’environnement et le climat. Puis-je vous supplier de reconsidérer votre décision ou au moins d’en discuter avec moi à titre de président des Oui Québec dans votre région. Ces démissions vont démobiliser les indépendantistes dans la région et au Québec à un moment critique où il faut que le Bloc récupère tous les moyens d’un parti reconnu à Ottawa pour soutenir son action.

Les objectifs et l’action du Parti

Vous devez pourtant être convaincus comme moi qu’il n’y a pas d’opposition entre la défense des intérêts du Québec à Ottawa et la promotion d’un programme indépendantiste. Au contraire. Un projet de pays du Québec, est nécessaire à la promotion de l’indépendance par le parti et fournit également un cadre nécessaire pour la critique du régime et la défense des intérêts du Québec à Ottawa.
     Prenons l’exemple de la récente mesure d’équité salariale du budget Morneau. Le rôle du Bloc est bien sûr d’en faire la critique tout en soulignant que, si le Québec était un pays, la « nouvelle » mesure fédérale serait en application depuis longtemps. Tous les employés de la fonction publique et du secteur privé fédéral, soit quelques 300 000 salariés au Québec, auraient bénéficié de la politique d’équité salariale du Québec qui a fait en sorte que dans la fonction publique québécoise le salaire des femmes atteint 98% de celui des hommes.
     Sur tous les plans, territoire, langue et culture, environnement, économie, justice sociale, démocratie, relations internationales, des orientations indépendantistes claires fournissent un cadre à l’action politique de notre parti à Ottawa jusqu’à ce que le Québec devienne un pays. Le lien doit être fait constamment entre ce cadre indépendantiste et la défense des intérêts du Québec. L’absence de ce lien dans le discours indépendantiste s’est fait rare depuis trop longtemps, faisant le jeu de nos adversaires fédéralistes.
     Est-ce « changement » d’orientation dont parle Martine Ouellet qui est mal accepté ou mal compris ? Il s’agit pourtant d’un changement que souhaite la grande majorité des militantes et des militants du Bloc. Après deux ans, êtes vous déjà habitués au rôle plus traditionnel d’opposition à Ottawa. Bon gouvernement à Québec, bonne opposition à Ottawa.

     Contrairement à 2011, le Bloc doit pouvoir faire le plein des votes indépendantistes du Québec. Cette victoire possible en 2019 doit en effet être la préoccupation principale de tous les indépendantistes et, plus largement, de tous ceux qui ont à cœur les intérêts du Québec et son avenir politique.

dimanche 10 décembre 2017

Fusion QS-ON: Pour un nouveau départ

Aujourd'hui Option Nationale est à la croisée des chemins. Il faut regarder l'entente de fusion avec Québec solidaire dans une perspective plus large que la simple question de l’existence ou non d’un véhicule politique.
Rappelons que n’est pas pour rien que les deux partis ont été créés depuis le référendum de 1995. Au cours des six élections québécoises qui ont ont suivi, le Parti québécois, principal véhicule souverainiste, a refusé de préparer et de tenir ses élections en assumant l’article 1 de son programme, en faisant une campagne indépendantiste. Cette fois, pour l'élection de 2018, c’est un engagement clair de pas tenir de référendum non plus. Cette dérive provincialiste fait en sorte que l’appui au parti québécois est descendu sous le seuil historique des 20%. La moitié des souverainistes votent pour d’autres partis ou ne votent pas. Cette stratégie suicidaire fait reculer notre option.
Et pourtant en 2016, les sondages montraient qu’une coalition des partis souverainistes obtiendrait un appui de 47% chez les francophones. Ainsi, une une alliance PQ-QS-ON aurait donné une majorité d'indépendantistes à l'Assemblée nationale, ce qui aurait permis d'entreprendre une démarche constituante pour résoudre la question nationale. Voilà la direction dans laquelle il faut aller.
La fusion fera-elle avancer l’indépendance ?
C'est la seule question qui importe. En fin de semaine dernière, le congrès national de QS a apporté des modifications substantielles à son programme, conformément à l’entente de principe avec ON. Ils ont livré la marchandise. Le parti unifié mettra résolument le cap sur l’indépendance. 
  • On y retrouve une démarche constituante claire vers l’indépendance qui implique l’adoption dans les plus brefs délais, d’une loi sur l’Assemblée constituante lui donnant le mandat d’élaborer un projet de constitution d’un Québec indépendant. 
  • Le programme de QS prône une démarche claire de rupture avec l’État canadien : « QS appliquera les mesures prévues à son programme, qu’elles soient compatibles ou non avec le cadre constitutionnel canadien »
  • Enfin, l’ensemble du programme de QS sera interprété comme un programme de pays, rompant avec l'approche provincialiste qu'il partageait avec le PQ jusqu'à maintenant.
Dans le parti unifié, ON ne disparait pas. Il devient un collectif politique doté d’un mandat, d'une structure organisationnelle, de ressources financières, de candidats à l’élection de 2018, de postes au sein du parti unifié, de la responsabilité d’une université sur l’indépendance, de la préparation de matériel de promotion de l’indépendance ainsi que d’une série de conférences de porte paroles d’ON sur l’indépendance.
 
Changer la dynamique
Cette entente possède un immense potentiel. Celui de changer la dynamique délétère vers le bas dans laquelle nous étions engagés jusqu’à maintenant. Séparés, nous faisons du surplace ou pire, nous reculons dans l’esprit des gens, encourageant la dispersion des causes dissociées d’un projet national d’avenir.
1.     Dans l’immédiat, l’entente amène un renforcement d’un deuxième pole indépendantiste, offrant une tribune plus large pour le programme et les idées d’ON, dans un véhicule de l’indépendance plus solidement organisé et financé. Ce pôle devrait pouvoir rallier, non seulement la majorité des membres d’ON, mais aussi ramener à l'action politique un grand nombre d’indépendantistes déçus ou démobilisés.
2.     Ensuite, pour l’élection de 2018, contrairement à l’option prise par le PQ, le parti unifié réalisera une campagne indépendantiste enclenchant une démarche constituante fondé sur la souveraineté du peuple, une approche d’avenir qui réussira tôt ou tard.  Si ce n’est pas en 2018, ce sera à l’autre élection.
3.     Après 2018, et peut être d’ici 2018 (qui sait), la fusion donnera un sérieux coup de pouce à une alliance plus large avec le Parti québécois, une entente que souhaite tous les indépendantistes, une entente absolument nécessaire à l’obtention d’une majorité à l’Assemblée nationale. Sans celle-ci, rien ne se fera. Avec elle tout devient possible.
4.     Enfin, le principal avantage de la fusion est de contrer la démobilisation,  la perte de l’espoir et la peur de l’échec qui empêchent l’idée d’indépendance de progresser et d’aboutir. Cette fusion est un antidote contre la peur et la perte de l’espoir.
 
Option Nationale, depuis sa fondation en 2011 a été une force agissante, un fer de lance de l’indépendance. Cette force ne tient pas à la structure de parti d'ON, mais à la vision, à la conviction à la détermination de ses membres. Ces qualités pourront s’exercer encore davantage au sein de l’union avec QS, et plus largement dans l’ensemble du mouvement indépendantiste.
Option Nationale a toujours affirmé clairement qu’il serait prêt à fusionner avec tout parti prêt à s’engager clairement pour l’indépendance. C’est le cas maintenant. Comme l’affirme le préambule de l’entente de principe : « une réconciliation des forces indépendantistes et progressistes est plus que jamais nécessaire pour réunir les conditions de notre sortie du régime canadien et rendre possible le projet de société dont le Québec a besoin. (…) Ce rassemblement ne peut se faire qu’autour d’un véritable programme de pays, affranchi des limites posées par le système politique canadien. »
Adopter l’entente de fusion, ce n’est pas la fin de l’esprit et de l’action d’Option nationale, c’est un nouveau départ.
C’est un départ vers ce qui nous motive tous, faire du Québec un pays.



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